Hommage à la Villa E-1027, construite à la fin des années 1920 par l'architecte et designer écossaise irlandaise Eileen Gray.
Le bâtiment était la deuxième villa moderne de la Côte d'Azur et reste est un œuvre précieux du patrimoine architectural. En plus de sa beauté épurée, la propre histoire de la villa est pleine de drame. J'aborderai qu'une petite partie, celle qui concerne son vandalisme par le « père fondateur du modernisme » Le Corbusier et qui m'a inspiré pour illustrer le mot « bad dog » (mauvais chien). La Villa E-1027 a été le premier bâtiment de Eileen Gray. Elle a été conçue pour accueil elle-même et son compagnon de l’époque Jean Badovici, rédacteur en chef du célèbre magazine d'avant-garde L'Architecture Vivante. C'est d'ailleurs grâce au lien entre Badovici et Le Corbusier que Gray a rencontré le pionnier de la modernité. Jusque-là, la villa moderniste la plus célèbre de la Côte était la Villa Noailles, située au-dessus de Hyères, dans le Var, et conçue par Robert Mallet-Stevens.
Le nom de la maison, E-1027, était un symbole de la relation du couple : E pour Eileen, 10 et 2 représentant les initiales de Badovici, telles qu'elles apparaissent dans l'alphabet, et 7 pour Gray.
La villa était couverte de stuc d'un blanc éclatant et de fines rampes métalliques ornaient ses balcons et ses terrasses, en rappelant un petit navire voguant sur sa terrasse avec vue sur l'océan. Elle souhaitait que tout soit paisible et serein, et a fait peint au pochoir des mots comme "entrez tranquillement" et "défense de rire" sur les murs. Eileen a résidé dans la villa pendant plusieurs étés, mais lorsque sa relation avec Badovici a pris fin, elle est partie pour construire une autre maison moderniste, tout en lui permettant de continuer à utiliser E-1027. Lors de la première visite de Le Corbusier en 1937, son admiration pour la villa s'est transformée en une obsession qui l'a hanté pour le reste de sa vie.
En été 1938, alors qu'invité de Badovici, il décide que les murs intérieurs de la maison étaient trop blancs. Il se mets alors à peindre plusieurs fresques de scènes explicites, fortement influencés par les femmes nues de Picasso.
Fier de son œuvre, il déclarait : « J’ai de plus une furieuse envie de salir des murs : dix compositions sont prêtes, de quoi tout barbouiller. » Des photos prises par des paparazzis le montrent peignant nu.
Lorsqu'Eileen Gray découvre l’existence les peintures murales, bouleversée, les considère comme une «violation» et «d'acte de vandalisme». Elle demande à Badovici d'écrire à Le Corbusier pour menacer de les retirer, mais cela ne se produise jamais. Se sentant déjà éloignée de la villa, elle n'y est jamais retournée.
En 1952, toujours obsédé par la villa d'Eileen, Le Corbusier construit une petite cabane en bois, de moins de 4 mètres carrés, au-dessus de E-1027. Il occupe et contrôle le site tout d’abord à travers la vue, la cabane n’étant guère plus qu’un poste d’observation, une sorte de niche de chien de garde, qui est devenue populairement connue sous le nom de Le Cabanon.
Lorsque Badovici est décédé en 1956, en échange de la parcelle de terrain du Cabanon, Le Corbusier fit construire cinq unités de camping, adjacentes à la guinguette. D'une esthétique bruyante, le paysage proche de la Villa E-1027 est à jamais dénaturé.
Le déclin de la maison est allé de pair avec l’effacement de Gray en tant qu’architecte.
Quand Le Corbusier publie ses fresques dans son œuvre complète ainsi que dans L’architecture d’aujourd’hui (1948), la maison de Gray est mentionnée comme « une maison à Cap-Martin » ; son nom n’est même pas cité. Plus tard, Le Corbusier va se voir attribuer la conception de la maison ainsi que de certains éléments de mobilier. Paradoxalement cet acte de vandalisme est probablement la raison principale pour laquelle la Villa reste toujours debout, car c'est à sa proximité que le fameux architecte a trouvé la mort. Le charmant Sentier des Douaniers, qui longe le littoral de Roquebrune-Cap-Martin, porte le nom Promenade Le Corbusier .
La confusion persiste aujourd'hui, de nombreux auteurs attribuant la maison uniquement à Badovici ou, au mieux, à Badovici et Gray. Certains suggèrent que Le Corbusier a été impliqué dans la conception du projet.
Le nom de Gray brille par son absence jusque dans les notes de bas de page dans la plupart des histoires de l’architecture moderne, y compris les plus récentes et ostensiblement critiques.
Si vous voulez en savoir plus, le film The Price of Desire, réalisé en 2015 par Mary McGuckian est dédié à Eileen Gray et l'histoire de la Villa E-1027 :
SOURCES :
- Article « Une maison malfamée : E.1027 » de Beatriz Colomina, pour le site www.espazium.ch, publié le 09/01/2012
- Article « Eileen Gray: A long life and a short dream, the story of villa E1027 » de Maureen Emerson, pour the Riviera Reporter, publié le 04/08/2015 (en anglais)
- Site www.capmoderne.com, de l'association Cap Moderne, chargée de la mise en valeur et de la gestion touristique, culturelle et commerciale du site Eileen Gray - Etoile de Mer - Le Corbusier
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