Ce mois-ci, je vous propose une interview croisée avec l’artiste et illustratrice Maite Léon !
Maité Léon est artiste et illustratrice.
D’origine franco-grecque, elle vit et travaille à Paris, pour la presse et l’édition. Elle expose également son travail en France et à l’étranger.
Myrto Stathatou, alias Flowink Myst est architecte, graphiste et illustratrice d'origine grecque adoptée par la Ville Lumière. “Flowink Myst” vient de “flow” et “ink” (l'encre en anglais) et de ses initiales (MYrto STathatou).
Elle travaille principalement pour l'événementiel, la culture et l'édition.
Quel est ton parcours ?
ML : J’ai grandi en Grèce. J’ai fait ma scolarité au Lycée français d’Athènes. Passionnée de langues, j’ai commencé par des études linguistiques à Paris X. Par la suite, j’ai travaillé dans plusieurs industries créatives : j’ai sous-titré des films pendant dix ans (Titra-films, Arte), j’ai été correctrice et traductrice dans l’édition (Hatier, Seuil), adaptatrice dans les jeux vidéo (Disney Interactive Studios, Ubisoft) et j’ai été la collaboratrice de Plantu pendant douze ans dans la presse (Le Monde).
Très portée sur la narration par l’image, je suis illustratrice à plein temps depuis 2021, et poursuis mon travail d’artiste depuis plus de quinze ans. Aujourd’hui, mes clients sont principalement en presse, édition ainsi que des particuliers.
FM : Mon parcours a toujours été lié au dessin mais aussi à d'autres formes d'expression artistique (peinture, danse, musique...). J'ai étudié l'architecture à Athènes puis j'ai emménagé à Paris en 2011, à la recherche d'une pratique plus axée sur la créativité. Je suis tombée amoureuse de la ville, puis j'ai trouvé ma place dans la direction artistique de plusieurs agences d'architecture parisiennes. Je passais mes journées à faire des images de synthèse en 3D, des chartes graphiques (schémas, logos, mise en page) et à dessiner.
J'ai décidé de devenir illustratrice lors de mon dernier séjour dans une agence d'architecture parisienne qui travaillait sur des projets de logement collectif pour la promotion immobilière. J'ai été embauchée pour faire des perspectives dessinées à la main et colorées à l'aquarelle. Le dessin étant l'identité de l'agence en question, il a été leur principal outil de communication, et décisif pour gagner des concours et appels d'offres.
Au fil des années et ayant passé la 30aine, je me suis posé des questions sur le mode de vie d'architecte, les horaires fous, le sexisme, mais aussi sur l’impact de la profession dans le tissu urbain. Je travaillais pour une agence qui œuvrait pour la construction à moindre coût, conçue pour durer quelques décennies, et je témoignais d’une certaine industrialisation du processus créatif et surtout une immobilité face aux enjeux climatiques. J’ai pris ma décision de changer de cap, un peu avant la crise sanitaire.
FM : Dans ton travail, il y a une touche très personnelle, quel que soit le sujet traité. Comment as-tu développé un style aussi distinct ?
ML : Mon style s’est développé au fil du temps. Au départ, il y avait l'envie de retrouver un rendu texturé proche de l’œuvre plastique, tout en travaillant en numérique. Je dessine mes images à la main, mes textures à l’encre ou à l’acrylique, puis je les scanne pour les intégrer dans mes illustrations. Ma palette est composée de couleurs vives qui véhiculent des émotions positives.
ML : Ta palette de couleurs est très caractéristique. D’où vient ce choix ?
FM : Comme mes dessins sont assez réalistes à la base, je cherche à travers les couleurs, un aspect poétique, des ambiances feutrées, entre rêve
et réalité.
J'ai beaucoup évolué sur le choix de mes couleurs quand je suis passée à la tablette numérique. Le fait de pouvoir les modifier rapidement et de tester des choses, m'a permis d'explorer
mon style et de pouvoir définir ce qui semble harmonieux à mes yeux avec précision. Au final, c'est amusant de voir que certaines couleurs sont récurrentes d'illustration en illustration.
Où puises-tu ton inspiration? ML : Tout ce qui m’entoure, m’inspire. Le quotidien, les gens, les objets, la nature. Chez moi, ça passe par le regard et par l’observation. J’aime raconter des histoires vécues ou fictives tout en apportant une dimension supplémentaire, celle de ma perception en laissant place à l’imagination du public.
FM : Mon inspiration vient en grande partie de la musique elle-même, mais aussi des artistes visuels qui ont accompagné la création musicale. Ayant grandi dans les années avant internet, j'ai associé la musique aux objets physiques, posters, CD, cassettes ou disques vinyles. Je m'amusais à imaginer des histoires inspirées de la musique et les visuels de la pochette. Cela a nourri ma curiosité pour le visuel plus tard. Aujourd'hui, je trouve l'inspiration un peu partout, il faut dire qu'on n'est pas en manque de références avec les réseaux sociaux, mais aussi dans la nature, dans des problématiques actuelles, les enjeux environnementaux, l'évolution de la société et la pop culture.
Quels artistes ont influencé ton travail ?
ML : J’aime beaucoup la poésie qui se dégage des dessins du dessinateur italien Lorenzo Mattotti et ceux de l’illustrateur britannique Owen Gent. Les tableaux étonnants de Gérard Garouste, ceux de William Bouguereau, les écrits de Paul Watzlawick sur la perception de la réalité ou les affiches cinématographiques très détaillées de Laurent Durieux. Sans oublier Carl Jung et ses écrits sur l’inconscient. J’ai une affinité particulière avec le courant surréaliste et symboliste. Les gens, la nature, les détails du quotidien ainsi que les rêves, sont mes sources d’inspiration principales.
FM : Je suis assez influencée par les illustrations à la fois détaillées et à la fois “non finies” de Tito Merello Vilar, les tableaux qui mêlent design et lifestyle de Coco Che Jota, et les illustrations d’architecture de Carlo Stanga. J’ai été très influencée par Storm Thorgerson, photographe et créateur des pochettes d’albums de centaines de groupes emblématiques (dont Pink Floyd), ses compositions et ambiances mystérieuses et “infinies” qui ont beaucoup nourri mon imaginaire.
FM : Il y a une dimension très onirique dans ton travail. Les rêves sont l’un de tes sujets de prédilection. Comment t’es venue cette idée ?
ML : Je suis une grande rêveuse, et ce, depuis l’enfance. J’ai toujours prêté attention aux rêves et c’est tout naturellement que je me suis intéressé aux rêves des autres. En 2023, j’ai écrit un livret d’artiste autoédité Intitulé “Rêves & Cauchemars” dans lequel j’ai recueilli plusieurs témoignages que j’ai illustrés. Les rêves sont à la fois intimes et universels, un langage commun à tous, sans distinction de frontière. C’est un sujet qui me passionne et que je développe dans le cadre de mon travail d’artiste.
Sur quels projets travailles-tu en ce moment ?
FM : En ce moment je travaille sur la pochette d'un album enregistré à Abbey Road Studios à Londres qui sortira cet été et sur la charte graphique d'une boîte d'accompagnement de projets musicaux parisienne.
En coulisses, je travaille sur une nouvelle série d'illustrations intitulée Utopicités 2050, inspirée du solarpunk et du mouvement «Villes en Transition». Mon but est d'illustrer un scénario de ces vingt prochaines années, où la crise climatique, l'effondrement de la biodiversité, l'effritement de la démocratie et multitude d'autres défis actuels, auront été ralentis, voire inversés.
J’étais partie dans l'idée d'inventer une utopie. Suite à des recherches approfondies sur le sujet, j'ai découvert qu'il existait des solutions et qu’elles étaient déjà appliquées dans d'autres endroits du monde. Au final, j'imagine une société «alternative», et j'adapte ces initiatives dans notre tissu urbain local, avec beaucoup de créativité.
Je vois cette série comme une occasion de stimuler l'imaginaire collectif et servir comme point de départ pour des conversations constructives.
Dans ce but, je souhaite partager mes recherches et tout ce qui inspire « Utopicités 2050 ».
Je lance un appel à participation collaboratif ouvert à toustes : les membres de ma communauté privée (et gratuite) pourront accéder à plusieurs sources d'inspiration positive, aux initiatives indépendantes, aux brainstormings collectifs, répondre aux sondages liés au contenu des illustrations à venir, et/ou tout simplement suivre de près l’évolution de la série.
Si vous souhaitez faire partie du voyage, je vous invite à envoyer « coéquipier(e) » à flowinkmyst@gmail.com
ML : Cet été je ferai une résidence d’artiste de quelques semaines à la galerie Openbach à Vincennes, durant laquelle j’effectuerai des recherches picturales et plastiques en vue de deux expositions prévues en septembre et décembre sur le thème du rêve.
En parallèle, je développe un nouveau projet éditorial sur les rêves et je fais un appel à témoignages sur mon site, ouvert à tous, pour recueillir de nouveaux récits oniriques. Si vous souhaitez participer, vous pouvez m’écrire sur contact@maiteleon.com
As-tu d'autres pratiques artistiques/créatives à côté de l'illustration ?
ML : Oui, j’aime explorer divers champs de la créativité, car cela nourrit mon travail. Depuis deux ans, je pratique le chant lyrique et j’apprends le solfège. Avant cela, j’ai fait de l’improvisation théâtrale en anglais et de l’escrime artistique pendant trois ans. Et de la danse contemporaine dans une compagnie amateure pendant huit ans.
Cette année, j’ai participé à l’atelier d’écriture de la poétesse Florentine Rey, ce qui m’a permis d’illustrer plusieurs textes que j’ai écrits.
FM : Team musique aussi, je fais du piano, du synthé et de la basse depuis assez longtemps. Il m’arrive parfois de jouer avec des groupes de blues, rock & psyché, ça me permet de sortir de mon quotidien solitaire.
Tu écoutes quoi quand tu travailles ?
ML : Principalement des podcasts en anglais autour de l’illustration ou de la musique de film de Ramin Djawadi ou de Marco Beltrami pour me plonger directement dans une certaine atmosphère propice au flow. J’aime aussi écouter des films ou des séries pendant que je dessine.
FM : Ça dépend de la saison. En ce moment, j’écoute pas mal de folk psychédélique et de la musique minimaliste pour tout ce qui demande de la concentration. L'hiver, je suis plus sur des sons punk, post punk & new wave, tandis que l’été, je passe sur une playlist plus prog rock, comme les derniers albums de Steams ou de King Gizzard and the Lizard Wizard.
Quels projets aimerais-tu réaliser dans le futur ?
ML : En tant qu’artiste, j’aimerais beaucoup travailler sur une grande peinture murale, effectuer une résidence d’artiste à l’étranger, dans les pays Baltes ou ailleurs, et participer à un projet collaboratif à plusieurs artistes, pour une création ou en vue d’une exposition.
J’aimerais continuer à illustrer des couvertures de livres, des textes courts et bien sûr des rêves.
FM : J'aimerais collaborer avec des musiciens pour concevoir leurs logos, visuels de pochettes et affiches, j'adore l'effervescence créative et la multitude de visions.
Aussi, j'adorerais faire plus d'illustrations pour des architectes qui travaillent avec conscience et qui souhaitent faire les choses autrement. Sortir de sa zone de confort en disant non à la 3D n'est pas toujours évident, mais le dessin est un outil qui change la manière dont on perçoit les projets.
J’aimerais aussi faire des illustrations pour des femmes architectes, qui sont sous-représentées en tête d’agence d'architecture (seulement 7%). À ce propos, j’ai un projet de livre sur les femmes de l'architecture avec l'historienne Alma Smoluch afin de leur donner plus de visibilité.
Où peut-on voir ton travail ?
ML : Sur mon site, maiteleon.com et sur Instagram @maite_leon_illustrations. J’ai également une newsletter mensuelle à laquelle vous pouvez vous abonner si vous souhaitez suivre mes news.
FM : Sur mon site www.flowinkmyst.com, sur Instagram @flowink_myst et Facebook @flowinkmyst
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